Gilets jaunes : les salariés de certaines grandes surfaces au chômage technique

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Au 14e jour de mobilisation des gilets jaunes, plusieurs préfectures ont fait le choix de faciliter le recours au chômage technique pour les entreprises en difficulté, coincées dans le bon déroulement de leur activité par les blocages de camions, de dépôts de carburants, ou les barrages filtrants. C’est particulièrement le cas des enseignes de la grande distribution, qui ont globalement perdu depuis le début du mouvement plus de 35% de leur chiffre d’affaires par jour depuis la première mobilisation du samedi 17 novembre 2018. Une catastrophe économique alors que la période du 15 novembre au 15 janvier est cruciale, juste avant les fêtes, pour les distributeurs.

 

« En temps ordinaire les deux semaines qui viennent de s’écouler sont parmi les meilleures de l’année en termes de chiffre d’affaires, et de rentabilité économique. Cette année, avec le mouvement des gilets jaunes, les réapprovisionnements sont impossibles, les camions ne peuvent pas rouler et quand ils le peuvent, ils n’ont plus de quoi refaire le plein de carburants. Les consommateurs sont aussi découragés par les barrages filtrants aux entrées des zones commerciales, ils se sont retrouvés coincés pendant des heures pour faire quelques kilomètres les premiers jours du mouvement, ça leur a servi de leçon et ils préfèrent depuis se rabattre sur les petits commerces en centre-ville, le temps que ça se calme. Nos rayons sont aussi vides de produits que de clients », se lamente le directeur d’un hypermarché en périphérie de Caen, dans le Calvados.

 

En Ardèche, certaines moyennes et grandes surfaces enregistrent des pertes financières jusqu’à 50% par jour. Intermarché, U, Carrefour, Leclerc, Auchan : toutes les enseignes sont impactées. Plusieurs magasins ont donc déposé des dossiers de demande de procédure accélérée pour mettre en place du chômage partiel, de manière à ce que leurs salariés puissent toucher au moins 70% de leur salaire, une indemnité payée par l’Etat. Le Trésor Public et l’URSSAF ont aussi mis en place des plans d’étalement, pour le paiement des impôts et des charges pour les salariés et les patrons concernés.

 

En Lorraine aussi, la grande distribution tire la sonnette d’alarme : comme dans presque toutes les régions de France, dans l’est, en Bretagne, dans le nord et le pas de Calais, ou encore dans le sud du côté de Marseille notamment. Partout, les chambres de commerce et d’industrie régionale dénoncent une situation de « risque économique majeur » pour le commerce et la distribution, et demandent aux pouvoirs publics d’agir pour faire libérer par les forces de l’ordre les accès aux entrées et aux sorties d’autoroutes, aux entrées des zones commerciales et aux parkings des grandes surfaces. « Nous n’avons pas d’autres choix que de prendre des mesures qui impactent l’emploi dans la grande distribution », explique ainsi un membre de la direction Groupe de Cora. « C’est une période où, de surcroît, nous embauchons traditionnellement énormément d’intérimaires en prévision des rushes pour les courses de Noël, qui commencent de plus en plus tôt pour beaucoup de Français. Cette année à cause du mouvement des gilets jaunes, non seulement il a fallu geler tous ces recrutements saisonniers, mais de surcroît nous sommes maintenant contraints de demander à nos salariés permanent de rester chez eux, faute d’activité suffisante dans nos magasins : il n’y a pas un chat et pour cause, nous sommes en pénurie pour de plus en plus de produits. Le riz, les pâtes, et des centaines d’autres références ».



Les antennes régionales de la Direccte (Direction des Entreprises, de la Concurrence, du Travail et de l’Emploi) sont assaillies par les demandes d’autorisation préalable à la mise en chômage partiel. « Par endroits, la paralysie est telle sur les axes routiers que de plus en plus d’hypermarchés sont contraints de fermer totalement, la situation s’aggrave depuis le 26 novembre 2018 », explique l’organisme. « Il y a des secteurs où les pertes financières se chiffrent à 90% et où plusieurs milliers de salariés n’ont plus de travail par la force des choses. On est en passe pour certaines franchises qui n’ont pas la même assise financière que les magasins en propre des grands groupes, d’atteindre un point de non-retour ».



« Nous supprimons nos intérimaires, nous venons d’arrêter le renouvellement de nos CDD, et désormais des suppressions de postes ne sont plus à exclure », écrivent ainsi les commerçants de Moselle réunis en association. « Et plutôt que de gérer nos activités nous passons nos journées à déposer des plaintes pour occupation illégale de nos parkings et des dégradations sur nos locaux ». Ce matin encore du 30 novembre 2018, les gilets jaunes bloquaient le Marché d’Intérêt National de Rungis, en région parisienne, aggravant encore la pénurie et les problèmes d’approvisionnement des distributeurs en produits frais. En début de semaine, Bruno Lemaire le ministre de l’économie, a reçu les représentants du secteur. Il a promis plusieurs mesures concrètes pour les aider à se relever de ces avaries financières, notamment des ouvertures supplémentaires des magasins le dimanche. Pas sûr que cela suffise…

 

 




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